En attendant le prochain déploiement au Valdebloristan, voici comment s'est passé la dernière mission au Puiveristan. Nom de code : TCH 2013
Toutes les informations que l’on trouvera dans ce récit proviennent de publications et de sources déclassifiées ; rien de ce qui est écrit ici ne confirme ou nie, officiellement ou pas, les évènements décrits ou les activités de tel ou tel protagoniste, du gouvernement et des agences. Afin de mieux protéger la nature de certaines techniques toujours employées pour sauver des vies, je reste parfois vague sur certains détails et la chronologie des évènements. Cela ne retire rien à la précision de mes souvenirs ou à la manière dont je décris le déroulement de cette opération.
Les évènements rapportés dans ce récit se fondent sur mes souvenirs personnels. Les conversations on été reconstruites uniquement à partir de ces seuls souvenirs. S’il y a des imprécisions, j’en assume l’entière responsabilité. Ceci est ma vision des choses, pas celle du gouvernement français, ni de ses membres à l’époque, ni celle des services secrets.
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Vendredi 1er Novembre 2013, Région du Puiveristan, Colombie. Il est environ 14h30 lorsque j’arrive enfin au lieu de rendez-vous : le parking du camping.
J’y retrouve mon partenaire, que nous nommerons Pierre NICAUT, son nom d’emprunt lors de cette opération. Une chose à savoir à propos des noms d’emprunts et des couvertures est que les grattes papiers responsable de vos fausses identités sont sans doute les seules personnes que vous désirez plus voir bruler en enfer que les terroristes que vous combattez. A chaque fois que l’on vous annonce que cette fois-ci, vous pouvez vous même confectionner votre couverture et que l’on s’occupe de tout, apprêtez vous à recevoir une semaine avant une identité différente de celle que vous avez peaufinés. Cette fois-ci, ce fut même pire. Je n’avais qu’une feuille m’indiquant mon nom d’emprunt, ma date et mon lieu de naissance ainsi que la couverture qui m’a été attribuée.
Je m’appelle donc Bruno LARIEJOIS, je suis né le 11 Décembre 1988 à Toulouse, en France. Je suis chercheur au CNRS depuis 2 ans et j’ai été envoyé en Amérique du Sud afin de travailler sur le Programme International de collaboration Scientifique pour la valorisation du glycérol et de l’éthanol pour la production d’un produit à haute valeur ajoutée : le propanediol. Je travaille en étroite relation avec le ministre de l’industrie de l’époque, Sergio Diaz-Granados Guida et je suis arrivé avec mon compère le 24 Octobre 2013 à 14h45 par le vol Air France AF422. J’avais pourtant spécifié que je préfèrerai être reporter, journaliste ou n’importe quelle autre profession justifiant de se promener avec un téléobjectif, mais je vais devoir faire sans. C’est donc sans appareil photo que je retrouve Pierre sur le parking du camping. Là, il me remet mes faux papiers, dont une carte d’identité et un badge professionnel du département de Cosmologie du CNRS. Je n’ai pas le temps de mémoriser les différentes informations qui s’y trouve, comme la fausse adresse que ces grattes papiers s’échinent à modifier à chaque nouvelle couverture pour être sûrs que je ne puisse la mémoriser. Rapidement, nous complétons donc ces identités bancales : le propanédiol n’est plus un curarisant mais un carburant écologique pour fusées, le vol a été horrible, nous sommes en weekend pour nous détendre loin de l’Institut Scientifique Colombien. Je vérifie une dernière fois mon matériel et nous chargeons tout ce dont nous aurons besoin dans mon véhicule. La clé est scotchée à l’intérieur du passage de roue et nous partons repérer le village. Il est moins de 15h, notre cible ne devrait pas montrer le bout de son nez avant au moins 18h, nous allons avoir du temps à tuer. A ce stade, je pense qu’il est temps de vous parler de la mission à proprement dit : nous avons été envoyés ici pour repérer un chef de cartel travaillant pour les FARC du nom de « Vincenzo ». Un prénom c’est plutôt mince comme information mais nous savons de source sûre qu’il dinera dans le restaurant afghan du bourg accompagné de plusieurs autres chefs de cartels dont la plupart n’on jamais été identifiés non plus. Une opération de cette envergure va drainer nombre de services secrets et nous sommes prévenus que de nombreuses nations collaborent sur ce coup, mais l’identité des agents n’est pas révélée. Néanmoins, pour éviter que ce charmant patelin colombien soit subitement envahit de blancs, j’ai pris l’initiative de dérouter pour quelques heures deux agents locaux pour parfaire nos couvertures, elles se nommeront C. et B. pour des raisons de confidentialité. Après avoir exploré plusieurs fois le village, préparé des itinéraires de replis et étudié les chemins d’accès potentiels des cibles, nous ne tardons pas à retrouver deux autres agents français qui répondront aux noms de Loky et Jack. Ils nous informent qu’ils sont déjà en contacts avec presque tous les agents étrangers collaborant à la mission et Loky me fournit ainsi leurs descriptions ainsi que leurs numéros de téléphones. Travailler en équipe devrait rendre les choses sensiblement plus simples, à condition que personne ne se fasse prendre. Un autre binôme nous rejoint, deux américains que nous nommerons Maverick et Lonewolf. Depuis l’église, nous avons une vue sur des mouvements suspects sur l’aérodrome, mouvements confirmés par un binôme suédois qui semble s’être très bien approprié les lieux. Nous nous séparons et continuons à explorer la zone jusqu’à ce que les filles me confirment leur arrivée imminente. Nous les rejoignons et feignons de retrouver des amantes. Nous patienterons près du lieu de rendez-vous, à l’abri dans leur véhicule puis sous un arrêt de bus où je repère le dernier binôme faisant la même chose. L’obscurité descend lentement sur la vallée et les températures ne cessent de descendre, tous nos effets chauds sont dans notre paquetage tactique, nous n’avons d’autres choix que de pénétrer dans le restaurant plus tôt que prévu pour nous réchauffer. Quatre agents en hypothermie ne fourniront aucun renseignement de qualité.
Il n’y a qu’une seule et unique salle, je compte 60 couverts dressés. Les plus grandes tables sont prévues pour 8 convives. Les murs sont parés de tapisseries probablement d’origines afghanes. Un petit couloir forçant à passer devant le comptoir pour accéder à la salle a été crée avec des paravents en bois ouvragés. D’autres sont disposés dans la pièce pour la diviser en deux parties jusqu’à la colonne centrale. Ensuite, c’est un énorme open space au bout duquel on trouve une scène, avec des poufs et des narguilés. Nous sommes au milieu de salle, près du mur intérieur, en opposition avec la baie vitrée de l’autre coté. D’ici là, nous devrions avoir une assez bonne position sur la table centrale et les tables du fond mais nous avons un angle mort sur un quart de la salle, espérons que notre cible utilisera les trois quarts auxquels nos yeux peuvent accéder. Il n’est pas encore 18h, nous avons du temps devant nous et décidons de faire honneur à notre instruction : « tu manges quand tu peux » nous a-t-on répété durant des années. Nous commandons donc une pizza margarita ainsi que des boissons. Il y a plusieurs règles élémentaires à respecter en toutes circonstances pour parer aux imprévus : dormir quand on le peut, manger quand on le peut, boire quand on le peut et chier quand on le peut. Vous ne savez pas quand est-ce que vous recroiserez de l’eau potable et des toilettes sur votre chemin, peut-être allez vous passez les vingt prochaines heures en planque dans un fossé, à quelque mètres de votre cible, sans pouvoir dire un mot, ni faire de bruit. Prendre ses dispositions au moment où l’on en a la possibilité est devenue une routine chez nous. De plus, nous ne savons pas si notre cible vient juste boire un café ou si elle compte se faire un festin digne d’un roi, il n’est donc pas possible de se lancer dans un repas gargantuesque que nous serions obligé d’interrompre dès l’entrée après avoir commandé notre menu. Pour parachever le tout, la cible n’est toujours pas là. Il va donc falloir prendre notre mal en patience. 19h passé, un individu à mi-chemin entre le père Noël et Fidel Castro entre dans le restaurant accompagné d’un molosse avec une oreillette. Ils s’asseyent au bout de la table centrale, tout près de nous. Les choses sérieuses semblent enfin commencer. Semblent, car ce n’est pas le cas. Nous commençons à tendre l’oreille, essayons de prendre des photos discrètement, mais nous n’obtenons aucun résultat des deux manières. Pire, le garde du corps se lève et vient demander à Pierre de cesser de prendre des photos. Il suffit de jeter un œil autour de soi pour comprendre la situation : un chef de cartel colombien et son garde du corps au milieu d’un restaurant et 12 blancs qui essayent de le prendre en photo avec leurs téléphones portables. Je vois certains agents simuler d’accoster leurs voisins de tables pour leurs proposer de se joindre à eux et faire connaissance. Les deux plus crédibles sont sans doute Loky et Jack qui se font passer pour deux amants gays vivant leur passion secrète lors de leurs missions pour Médecins Sans Frontières. Nous sommes tous à l’affut de la moindre faille pour identifier la cible quand C. me fait remarquer qu’il utilise beaucoup son téléphone en la regardant. Parfait, enfin une ouverture ! D’un seul homme, Pierre et moi nous levons pour aller menacer ce vieillard s’il ne cesse pas immédiatement de prendre nos petites amies en photo. Le garde du corps s’interpose et nous préférons ne pas en venir aux mains. L’un des agents situé de l’autre coté de la scène n’a rien loupé de notre petite diversion et a pris plusieurs clichés. Malheureusement, le réseau téléphonique colombien ne lui permet pas de me les envoyer. Les joies d’opérer dans des pays sous-développés, dans des régions où même les corbeaux refusent de voler. En revanche, les messages textes passent très bien et nous nous tenons toujours au courant de la situation sans avoir à prononcer le moindre mot. Un second personnage fait son entrée, accompagné également d’une oreillette. Le premier garde du corps se lève et part rejoindre son homologue tandis que les deux cibles se saluent et prennent place à la table centrale. L’opération généralisée de surveillance reprend du plus belle, chacun tendant l’oreille pour essayer de capter quelque chose. Nos accompagnatrices étant fumeuses, nous en profitons pour sortir en couple espionner les alentours mais nous ne récoltons aucune information supplémentaire.
Petit à petit, d’autres chefs de cartels et leurs gardes du corps arrivent, accomplissant toujours le même rituel. Les cibles mangent à coté de nous et leurs chiens de garde sont de l’autre cotés d’un paravent, on ne pouvait rêver mieux. Ils sont maintenant quatre et la situation devient compliquée. Pas de Vincenzo en vue, notre repas terminé et nous en sommes déjà à la deuxième tournée de thé. Le thé est une boisson chaude et hydratante, contrairement au café, ce qui en fait une boisson idéale pour des agents en observation. Mais elle a aussi la capacité d’énormément solliciter votre vessie, ce qui peut s’avérer gênant par la suite. Le niveau sonore a grimpé en flèche depuis notre arrivé, les colombiens parlent de plus en plus fort mais le restaurant diffuse maintenant de la musique en fond sonore. Alors que je suis dehors avec C. pendant qu’elle fume une énième cigarette sur un banc en terrasse, la serveuse sort et nous demande si un Steevio est parmi nous. Je suis surpris par l’inventivité et le culot de certains, j’espère juste que cette initiative ne nous causera pas préjudice. Nous sommes de nouveau tous les quatre à l’intérieur lorsque qu’un cinquième chef de cartel fait irruption dans la salle. L’un d’entre eux l’interpelle « Hey, Vincenzo ! Enfin tu es là ! ». Bingo ! Cible acquise ! Nous avons identifié notre proie et en profitons pour essayer d’identifier celles des autres équipes sur place. Nous attendons quelques minutes puis je pars régler l’addition, pour que nous puissions quitter les lieux sans attirer l’attention au moment venu. Les filles commencent à fatiguer, elles ont de la route pour rejoindre le site sur lequel elles sont infiltrées et il se fait tard. Le QG me confirme l’authentification de la cible et me renvoi plusieurs photos de cet individu qui n’avait jusqu’ici jamais été identifié mais repéré à de nombreuses reprises.
J’efface les photos de mon téléphone, ainsi que toutes les notes que nous avons pu prendre au cours de la soirée. Nous récitons chacun à notre tour nos notes pour être sûrs de ne rien oublier et nous quittons le restaurant avec le sentiment du devoir accomplit. B. et C. remontent dans leurs véhicules et quittent la zone tandis que nous montons dans le taxi clandestin que nous a mis à disposition l’agence.
J’informe le QG que nous sommes prêts à suivre Vincenzo dès qu’il quittera le restaurant mais la réponse n’est pas celle que nous attendions. Les autres équipes ont remontés que sous l’effet de l’alcool, les chefs de cartels commencent à parler et que nous devons retourner dans le restaurant pour continuer à récolter des informations. Merde ! Comment justifier le fait de retourner dans le restaurant après avoir mangés et seulement à deux. Nous quittons donc le véhicule en disant bien à son chauffeur de nous attendre et retournons dans la salle unique qui ressemble à un marché. Ca hurle, ça crie, ça chante, un vrai bordel. Nous reprenons place à notre table qui n’a pas encore été débarrassée et je retourne au comptoir commander une tournée de thé supplémentaire, que je paie d’avance. Il est vrai que les leaders colombiens semblent bien plus causants maintenant que les filles sont parties. Toute la salle découvre ainsi qu’une grande fête aura lieu demain à Campbonnaure, un hameau situé à quelques centaines de mètres de notre position jouxtant l’aérodrome local, c’est un lieu stratégique pour les trafiquants. D’importants renforts se déploieront aux environs de 09h00 en prévision de l’arrivée d’une mallette rouge une heure plus tard. Même en tendant l’oreille, il faut encore réussir à comprendre que ce que racontent les chefs de cartels qui sont de plus en plus éméchés. Le soir même, une grande fiesta mêlant filles, drogue et barbecue devrait être leur unique préoccupation. Je patiente devant les toilettes quand je vois la porte s’ouvrir et l’un des deux suédois en sortir. Ni une ni deux, je le repousse à l’intérieur et m’y engouffre avant de verrouiller derrière moi. Il semble surpris de ma démarche mais le couloir étant dans le prolongement de la table des VIP, c’est le seul endroit à l’abri des regards. Nous échangeons sur les informations obtenues dans la salle, par sécurité. Nous sommes dans ce restaurant depuis plusieurs heures maintenant et il est inconcevable d’en sortir avec des informations erronées. Je le laisse partir et fait ce que j’ai à faire en solitaire. Le temps passe très lentement depuis que nous identifiés nos cibles et obtenus les informations sur la suite de la mission. Nous contactons à tour de rôle nos officiers de liaison mais la réponse est la même pour tous : « restez sur place et continuer à obtenir des informations ». La réalité du terrain, c’est aussi ça. Nous commençons à fatiguer, le thé commence à plus faire travailler ma vessie que ce qu’il me maintien éveillé et à voir le nombre d’aller retour aux toilettes de mes homologues, je ne dois pas être le seul. Le premier chef de cartel arrivé, identifié comme étant Fidel MARULANDA, se lève, salue les autres narcotrafiquants, récupère son garde du corps et quitte le restaurant. Dans la foulée, le duo en charge de sa filature se lève et disparaît. Plus tard, le second chef de cartel arrivé reproduit le même scénario, suivit également par deux agents. Il commence à se faire tard, je profite que mon partenaire soit partit prendre l’air pour accoster l’équipe derrière moi en leur demandant l’heure. Au bout de plusieurs minutes à converser, ils m’invitent à leur table. J’en apprends un peu plus sur leur couverture et je commence à m’inquiéter lorsque je sens l’un d’entre eux me faire du pied sous la table pendant qu’il me dit « tu sais que j’aime les barbus ? ». Loky et Jack sont de formidables comédiens, ils rentrent dans leurs personnages et réussiraient presque à me mettre mal à l’aise. Ils m’expliquent d’ailleurs qu’ils ont réussis à gêner plusieurs gardes du corps au cours de la soirée dont un en particulier. Entre deux banalités, nous arrivons à échanger de manière codée sur les informations glanées ce soir. La mallette rouge contient toutes les informations relatives au trafic de drogue de la région et surtout le futur plan d’investissement visant à multiplier la production et les profits. S’ils ont pu opérer jusqu’à maintenant sans être inquiété, il semblerait que leurs nouvelles ambitions ne soient pas du gout de nos employeurs. Pierre nous rejoins et nous continuons à nous endormir tous les quatre. Soudain, le troisième chef de cartel se lève et se décide enfin à quitter les lieux accompagnés de son garde du corps. Un binôme part régler sa note et le suis. Le temps est long, très long. Nous sommes là depuis plusieurs heures et la fatigue a du plus en plus d’emprise sur nous. Le quatrième chef de cartel, la cible de Loky et Jack se lève à son tour, nous allons donc devoir tenir seuls jusqu’à ce que Vincenzo en fasse autant. Ma montre affiche 23h30 quand l’heure de la délivrance sonne. Nous devançons le mouvement de la cible et profitons d’avoir déjà réglé notre note pour filer vers notre véhicule. Le chauffeur est toujours là, son siège passager est encombré et il nous fait signe de monter à l’arrière. Pierre coince sa ceinture en fermant la portière et découvre que la sécurité enfant est enclenchée. Le pilote confirme qu’il a gardé ses enfants ce weekend mais nous devons commencer la poursuite et ne disposons pas du temps nécessaire pour déverrouiller la portière. La cible est dans un fourgon bleu foncé, assis à l’avant. A plusieurs reprises, nous demandons à notre chauffeur de lever le pied tout en ne manquant pas de l’interroger sur l’itinéraire de Vincenzo. Il nous explique que sa sœur est en couple avec l’un des gars qui était au restaurant ce soir, que les narcotrafiquants ruinent l’économie de la région et que les populations locales seraient très reconnaissantes si nous mettions un terme aux trafics et à la corruption qui règne au Puiveristan. Ce discours larmoyant, c’est celui de tous les locaux partout où vous allez, ce qui n’empêche ces mêmes indics de vous revendre à leurs ennemies plus tard pour une poignée de dollars de plus. Je sors ma carte et je suis en direct l’itinéraire que nous empruntons. Nous avons suivis la route qui quitte le village par l’Ouest et avons ensuite bifurqué sur un chemin en direction du Sud, nous n’avons pas encore croisé la première intersection, j’ai donc une idée plus ou moins précise de notre position. J’en profite pour repositionner le petit couteau pliant qui traine toujours au fond de ma poche et l’accrocher à l’intérieur de mon pantalon, le clip caché par la ceinture. Le véhicule cible ralentit, nous crions à notre chauffeur d’en faire autant. Le fourgon s’engouffre dans une petite voie à gauche et avant même que nous ayons pu donner l’ordre au chauffeur de continuer tout droit, ce dernier a déjà commencé le virage à gauche. La panique monte d’un cran à l’intérieur de l’habitacle. Nous demandons au chauffeur de faire marche arrière mais celui-ci continue d’avancer. Nous sentons le piège se refermer sur nous. Il nous explique qu’il ne peut pas faire de marche arrière, qu’il va faire un virage serré sur la droite pour nous sortir de là. Nous savons que nous sommes faits mais notre esprit veut encore trouver une solution. Notre taxi a les feux antibrouillard allumés et je distingue très bien ce qui se trouve sur les cotés. A gauche de notre véhicule, le fourgon dans lequel se trouve notre cible. A droite, un véhicule gris attend tout feux éteins. Le piège vient de se refermer sur nous définitivement. Les phares de la voiture sur ma droite s’allument et nous nous retrouvons aveuglés. J’arrive à voir des hommes armés et cagoulés s’approcher. A ce stade, la seule question qui me traverse l’esprit est « est-ce que le chauffeur est de mèche ou est-il juste con ? » La deuxième option lui épargnera peut-être une mort et douloureuse. Il se retourne vers nous et nous dit qu’il va régler ça, que nous devons surtout rester à l’intérieur du véhicule et que tout se passera bien. La réponse à ma question ne tarde pas à arriver : deux balles à faible distance, ça ne pardonne pas. Son corps s’écroule, inerte, dans la boue.
Nous sommes deux chercheurs du CNRS sur le point de nous faire kidnapper. Pas question de faire usage de toutes les méthodes que l’on nous a enseignées pour répondre à ce cas de figure, nous ne disposons plus de chauffeur, nous sommes encerclés, nous ne sommes pas armés et eux oui. Même en étant nul en maths, l’équation est vite résolue. Nous levons les mains en l’air et attendons. Quelques secondes plus tard, un individu masqué arrache la portière et m’extirpe violemment du véhicule. Les insultes fusent, j’entends « putain d’européens » et « mange le sol » pendant je l’un d’entre eux m’écrase la tête dans la boue alors qu’un autre me menotte avec un serflex. On m’ordonne me le relever mais allongé sur le ventre, les mais dans le dos, l’exercice est bien plus difficile qu’il n’y paraît. Quelques coups de pieds plus tard, mes ravisseurs m’aident à me relever et sans cesser de d’administrer des coups, me font slalomer dans les bois pour me jeter à genoux dans l’obscurité. J’essaye de demander ce que je fais là et de connaître les motivations de ces gens mais la réponse est toujours la même, plusieurs coups de pieds. J’entends que Pierre est jeté sur ma droite, à quelques dizaines de centimètres seulement. Une voix retentit derrière nous et le message a le mérite d’être clair « si l’un d’entre vous parle, c’est son copain qui prend, compris ? ». Oui, compris. Nous nous murons dans le silence, par respect l’un pour l’autre. Nous sommes déjà prisonniers, inutile d’en rajouter une couche. Vous avez beau avoir vécu ça des dizaines de fois à l’entrainement, rien ne vous prépare à ce que vous ressentez lorsque vous êtes capturés. La seule certitude que j’ai, c’est que les pensées de tous les gars qui ont déjà vécu ça m’accompagnent. Les nombreux rapports sur le Puiveristan mentionnaient parfois un ancien membre des forces spéciales devenu bourreau pour les cartels colombiens, un homme connu localement sous le nom du Boucher. Quand j’entends un homme mentionner son nom, je sens un frisson parcourir mon dos. Ca s’annonce mal, très mal. On nous ordonne de garder la tête contre le sol alors que nous sommes toujours à genoux, les mains menottées dans le dos. Je sens un souffle chaud sur ma nuque, puis mon oreille. Quelqu’un est là, tout près, je le sens rôder autour de moi. Puis quelque chose s’écoule sur ma nuque, on dirait de la terre ou de l’écorce de bois émiettée. Juste à coté de ma tête, à quelques centimètres, le Boucher éclate des bouts de bois sur une pierre dans un déluge de ricanements sordides. En écoutant les bruits de fonds, je comprends qu’il fait même peurs à nos ravisseurs, il semble hors de contrôle. Intérieurement, je m’évade, ou du moins j’essaie. Je continue la mission, seul. Nous avons été tapés à 23h57, la mallette arrivera à Campbonnaure dans dix heures. Des troupes supplémentaires viendront renforcer les effectifs déjà présents dans neuf heures. J’essaie malgré la situation de faire le point sur les objectifs du lendemain, c’est la manière la plus simple de garder le contrôle de la situation. Ensuite, je me penche sur un autre souci, un projet de matériel sur lequel je travaille depuis quelques semaines par intermittence, je décide de mettre à profit ce temps passé à genoux au milieu des bois, entouré d’hommes armés et hostiles. Cela peut sembler étrange, mais conserver l’esprit sain est la seule chose à faire en attendant de trouver un moyen de s’évader. Pendant ce temps, le Boucher continue de débiter du bois pourri et de nous faire ressentir sa présence par tous les moyens. Je sens un bâton se poser sur mon dos lorsqu’il attaque une nouvelle comptine : « c’est », il retire le bâton, « toi », il replace le bâton contre mon dos, « qui … perdra … tes … dents ». Le bâton était sur mon dos quand il a prononcé le dernier mot de ces phrases. A ce moment précis, le Boucher a réussi à m’extirper à mes plans et à capter toute mon attention. J’attends, prêt à subir. Mais rien ne vient. Non, à part la tension qui est à son niveau le plus haut, rien ne bouge. Nous entendons des véhicules arriver à repartir, puis je sens que l’on me tire pour me mettre debout. Je m’exécute comme je peux, j’ai du mal à marcher après autant de temps passé à genoux mais mon accompagnateur avance lui d’un pas décidé. On me pose un bandeau sur les yeux avant de me jeter à l’arrière d’un pick up. En forçant, j’arrive à distinguer quelque chose. Je répète l’opération plusieurs fois. Les yeux grands ouverts, mes cils soulèvent suffisamment le bandeau pour me donner une vue correcte de la situation. Le véhicule démarre et ce n’est pas un pick up mais l’arrière d’un 4x4, un Mercedes Classe G. Je sens quelque chose contre mon pied droit, je tape et le coup me revient. C’est Pierre, il est toujours en vie et conscient. Entre nous deux, un colombien nous crie régulièrement dessus pour être sur que nous ne profitons pas de la ballade pour faire un somme. Je tente de garder les yeux ouverts le plus possible, pour repérer la route et savoir où l’on nous amène, mais rien n’y fait, je ne reconnais pas le chemin. Nous ne revenons donc pas sur nos pas, au contraire, nous nous enfonçons ce qui semble être de la piste. Le trajet dure plusieurs minutes, j’essaye de compter silencieusement pour ensuite me donner une idée de la distance parcourue. En faisant un cercle concentrique à partir de la zone présumée de votre enlèvement, cela peut vous aider à savoir où vous êtes. C’est du moins ce que l’on nous a martelé lors de notre instruction à Pierre et moi même. Vu de l’intérieur, les choses semblent beaucoup plus compliquées. Les menottes artisanales me scient les poignets et je cherche une solution me permettant de me caler confortablement mais dès que j’essaye de m’allonger, notre gardien me cogne, sans doute en pensant que je m’endors.
Après plusieurs minutes, nous finissons par arriver à un lieu que je reconnais dès la sortie du 4x4, le PC du Maquis. Ce lieu qui avait jadis servit de poste de commandement aux guérilleros lors des soulèvements de 1948 a été transformé par les héritiers de cette révolution en prison de fortune. J’entends des coups de feu, il y a beaucoup de monde, de la lumière, un feu. Je suis emmené à l’intérieur de la bâtisse en pierre dont la pièce unique est coupée en deux par une énorme bâche. Dans la première partie, un fauteuil trône seule au milieu des décombres tandis que derrière la bâche, je retrouve les autres agents rencontrés quelques heures plus tôt. On me fait approcher du mur et au dernier moment, la main qui guidait ma tête décide de l’envoyer s’écraser contre la pierre froide. Mon geôlier me fait alors les poches et me subtilise mon portefeuille et mon téléphone portable. J’entends que l’on positionne Pierre sur ma droite, je lui envoi un « ça va ? », sa réponse me confirme qu’il s’agit bien de mon binôme. Un guérillero, sans doute membre des FARC, demande à l’homme sur ma gauche s’il sait pourquoi il est là. « Je pense que vous êtes profondément homophobes » lui répond-il. Ok, j’ai retrouvé Loky. En écoutant ce qui se dit, j’essaye d’identifier les autres personnes présentes dans la cellule. Un dernier convoi fini par arriver, amenant l’équipe constituée de Lonewolf et Maverick, qui étaient encore sur place à notre départ. Nous sommes douze captifs, aucun d’entre nous n’a été tué. De temps à autre, les guérilleros viennent enlever l’un d’entre nous pendant que les autres passent régulièrement visiter la cellule en nous aboyant dessus. J’entends des pas sur les graviers qui s’approchent de moi, je suis repoussé contre le mur tandis que résonne « celui là ! ». Immédiatement, je suis tiré en arrière et amené sur le fauteuil que j’ai vu en entrant.
- Alors, qu’est-ce qu’on a là ? Comment tu t’appelles toi ?
- Je m’appelle Bruno LARIEJOIS.
- Qu’est-ce que tu fous là ?, dit-il en cherchant mon portefeuille et mes papiers.
- Je suis chercheur au CNRS
- Ah ouais ? T’as pas une gueule de chercheur !
- Je suis chercheur au CNRS
L’un d’entre eux trouve ma carte d’identité et ma carte professionnelle. Le grand jeu va pouvoir débuter et je ne suis pas très à l’aise à l’idée d’être interrogé sur cette fausse identité dont je n’ai pas réussi à mémoriser tous les détails, dont les adresses. Mais c’est un tout autre détail qui va retenir leur attention.
- Et qu’est-ce que tu cherches ?
- Je travaille à l’institut scientifique de Buenos Aires, sur le propanediol.
- Avec qui ? Et c’est quoi le propadiol ?
- Moi je crois surtout que tu cherches la merde !, surenchérit l’un d’entre eux.
- Je suis arrivé il y’a une semaine, le 23, avec mon collègue.
- T’es pas tout seul ? C’est qui l’autre ?
- Il s’appelle Pierre NICAULT, il est également chercheur au CNRS.
- Trouvez-moi l’autre !
J’entends que quelqu’un est allé trouver Pierre et commence à le questionner. A ce niveau là, ce n’est pas de la délation. Nous connaissons notre couverture tant qu’aucun de nous ne fait d’erreur, nous pouvons nous en sortir. De mon coté, les questions continuent de fuser.
- D’où tu viens ?
- De Toulouse.
- Comment tu t’appelles ?
- Bruno LARIEJOIS
- Qu’est-ce que tu fous ici ?
- Je suis chercheur au CNRS.
- Et tu cherches quoi ?
- J’étudie le propanédiol.
- C’est quoi ?
- Un carburant bio pour les fusées.
- Y’en a pas ici de ton truc, me raconte pas de conneries. Et sur tes papiers c’est écrit que tu travailles à la cosmologie. C’est quoi le rapport avec un gaz ?
- J’étudie le propanédiol, c’est un carburant bio pour les fusées, nous étudions son impact sur l’atmosphère.
- Et pourquoi tu ne l’étudies pas chez toi ?
- C’est un programme international d’études scientifique, c’est pour ça que nous sommes à l’Institut Scientifique de Bueno Aires.
- D’où tu viens ?
- De Toulouse.
- Combien tu mesures ?
- Un mètre quatre-vingt-cinq.
- Faux ! Tu mesures un mètre soixante-quinze !
Je mesure bien un mètre quatre-vingt-cinq, je ne le sais pas encore ce qui est en train de se passer mais les colombiens viennent de trouver une faille dans mes papiers.
- Non je mesure un mètre quatre-vingt-cinq !
- Tu ne me dis pas que j’ai tort !
- Ok, mais je mesure un mètre quatre-vingt-cinq.
- Sur ta carte d’identité il y a pourtant écrit que tu fais dix centimètres de moins.
- Je ne sais pas, ça doit être une erreur, mesurez moi.
- On va plutôt te raboter des dix centimètres que tu as en trop !
Joignant l’acte à la parole, je le vois à travers le bandeau agiter une lame, puis la poser contre ma gorge avant de me tapoter les tibias avec.
- Comment ça se fait !? Hein !
- Je ne sais pas, ça doit être une erreur, je n’avais jamais fait attention.
- Allez, il commence à m’énerver à me prendre pour un con. On va lui faire prendre l’air !
Plusieurs mains me lève et me trainent vers l’extérieur de la bâtisse où plusieurs autres espions sont en train de passer un sale quart d’heure. Une fois de plus, je suis jeté à genoux dans l’herbe, plus ou moins alignés avec les autres victimes. L’interrogatoire ne tarde pas reprendre de plus belle.
- Qu’est-ce que tu fous ici ?
- Je suis chercheur au CNRS.
- Tu cherches quoi ?
- Je travaille sur le propanédiol, c’est un carburant pour les fusées.
Le même dialogue de sourd se reproduit maintes et maintes fois. Ils essayent de vous faire craquer, espérant que vous introduirez des variations dans vos propos pour ensuite creuser une faille. La meilleure solution consiste à répéter mot pour mot les mêmes phrases, sur un ton monocorde, avec une petite voix qui laisse croire à vos geôliers qu’ils dominent la situation. Et à bien des sens, il ne faut pas se leurrer, ils la dominent. La seule chose qu’ils n’ont pas est votre esprit, mais ils y travaillent.
Entre deux séries de questions, l’un des colombiens m’étale une sorte de moutarde locale sur la moustache et dans le nez. Cette merde pique encore plus fort que la moutarde de Dijon mais j’essaie de ne rien laisser transparaitre. Les questions reprennent de plus belle quand je crois comprendre qu’il y a un souci.
- Il en manque un !
- Lequel ?
- Je sais pas, je m’en suis aperçu au comptage !
- Bordel ! Allez tous le chercher !
Je vois plusieurs lampes dévaler la pente devant moi, à la recherche du fugitif. Le visage baissé pour éviter d’attiser la colère de mes bourreaux, je ne peux m’empêcher de sourire. Le fuyard était sur ma droite quelques instant auparavant et profitant d’être été laissé seul quelques secondes, a fait sauter ses liens et a enlevé son bandeau avant partir droit devant. Ca crie dans tous les sens, je ferai bien de même mais mes liens ne cèdent pas, ce qui ne m’empêche pas d’essayer.
- T’endors pas ! Comment tu t’appelles ?
- Bruno LARIEJOIS.
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Je suis chercheur au CRNS.
- C’est pas vrai ! Arrête de me mentir !
- Je suis chercheur au CRNS, je travaille sur le propanediol, c’est un carburant pour les fusées.
- Mon cul ! On recommence
- Comment tu t’appelles ?
- Bruno LARIEJOIS.
- Et qu’est-ce que tu fais là ?
- Je suis chercheur au CRNS.
Le rythme s’accélère et je reçois des coups si je ne réponds pas assez vite.
- Qu’est-ce qu’un gaz a à voir avec l’étude des étoiles ?
- C’est un carburant bio pour fusée. On étudie son impact sur l’atmosphère.
Je trésaille en entendant le bruit de pinces crocodiles s’entrechoquer. Il semble qu’ils aient les moyens de nous faire parler. La nuit risque d’être longue. Mais ce qui me concerne, mon questionneur et moi-même continuons inlassablement de faire tourner le même disque rayé.
- Comment tu t’appelles ?
- Bruno LARIEJOIS.
- D’où tu viens ?
- De Toulouse.
- Qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je suis chercheur au CNRS, je travaille sur le propanédiol.
L’ordre des questions varie parfois mais je réponds toujours la même chose. J’essaie pour autant de rester lucide est concentré malgré la fatigue et le froid, ainsi que la pluie qui s’abat sur nous depuis plusieurs minutes. De temps en temps, il enchaine la même série de plusieurs questions le plus rapidement possible, mais je continue à répéter invariablement le même texte, ce qui a tendance à l’énerver et à me valoir quelques coups supplémentaires.
Au bout d’un certain temps, celui qui semble être le chef leur ordonne de nous rentrer, il semble inquiet du fait que l’on puisse prendre froid sous la pluie. Cela signifie donc que nous représentons plus d’intérêts vivants que morts, ce qui est très bonne nouvelle. Peut-être prévoient-ils de nous échanger contre des guérilleros prisonniers ou de fortes sommes d’argents ? A ce moment là, nous n’en savons rien mais je suis plutôt content de retrouver le sol de notre cellule.
Les rondes recommencent et nous ne sommes jamais seuls plus de quelques secondes. L’un d’entre eux nous éclaire le visage avec une lampe très puissante, ce qui est désagréable et coupe les mécanismes du sommeil, même avec un bandeau sur les yeux. Un autre joue avec son couteau pendant qu’il effectue sa ronde dans la cellule. Si vous avez l’air de vous endormir, le gardien ne manque pas de vous réveiller à sa manière. Et cette horrible musique continue toujours de retentir, un mix des pires orchestres scolaires saupoudrés de voix en espagnol. Au bout d’un moment, on fini toutefois par s’y habituer et on essaye de trouver des éléments sécurisant dans chaque chanson, comme par exemple le rythme. L’un des gardes me rappelle à mes devoirs lorsqu’il crie « il est minuit et demi, on a encore toute la nuit pour jouer avec vous ! ».
Je sais très bien qu’il n’est pas 00 :30, ce n’est pas possible. Nous avons été capturés à 23h56 et si l’on ajoute le temps de trajet jusqu’ici, le temps d’amener le dernier binôme et ce que vous venons de subir, je suppose qu’il est au moins 02:00. Connaître l’heure est très important, une donnée capitale. Chaque action ou phase de votre mission est bornée par un horaire de fin. De plus, si la mission est trop longue ou si l’horaire de fin n’est pas déterminable à l’avance, vous programmez des checkpoints. Ainsi, lorsque vous êtes fait prisonniers, vous n’avez qu’à tenir jusqu’à cette heure butoir plus quelques minutes pour que l’on comprenne qu’il y a eut un problème. Si vous êtes plusieurs à être déployés en territoire ennemi, vos équipiers savent que la mission est compromise et s’exfiltrent ou organisent une mission de sauvetage. La sécurité des deux agents nous ayant aidé au restaurant n’est pas compromise, elles étaient déjà rentrées à l’heure où nous avons été capturé. C’est donc l’absence de point avec le QG vers 06:00 qui devraient servir de signal d’alarme, à moins qu’un autre binôme ait un checkpoint prévu plus tôt.